• Thomas, jeune noble, bambocheur et ripailleur menant grand train, dépensait l’or de sa famille sans réfléchir au lendemain, ne s’amusant qu’en société se trouva éloigné de sa ville et de ses amis par son père qui le voulait assagir.


      

    conte 01Il advint qu‘il se retrouva en fin d’après midi en sa triste et unique compagnie, attablé devant un bon souper au fond d’une auberge. Ce fut alors qu’un vieux mendiant, aux vêtements couleur poussière entra demandant l’aumône d’une soupe et d’une piécette Thomas par ennui et par défi l’invita à sa table lui promettant un bon repas et une pièce si il parvenait à le tirer de son ennui par un conte. Le mendiant salua avec un air de noblesse bien peu en accord avec sa vêture et sans même attendre l’avis de son hôte s’assit et commanda une volaille rôtie accompagnée de navets cuits au jus.

     

    Un pilon dans une main, un pichet de bon vin dans l’autre il commença : « À l’époque où Taliesin n’était même pas un grain, à une demie journée de marche vers l’est de la ville de Mont Dore, se dressait un tumulus. Il existe encore. Personne n’y va jamais que les fous avides d’or ou de gloire. L’entrée, aujourd’hui ensevelie en était gardée par trois esprits qu’il fallait contenter par un don, mais pas n’importe lequel. Ils voulaient une chose : « Doré qui n’est pas d’or Qui en hiver dort Au printemps sort » Cette devinette gravée sur le linteau de l’entrée était connue de tous les habitants de la ville. Bien sûr un enfant connaîtrait la réponse de la devinette. Du blé.

     

    Et il advint ce qu’il advient toujours, un jeune inconscient désargenté mais héritier de bonne famille : Lawrence Mullverton décida d’affronter les trois gardiens réputés protéger un grand trésor. Armé de son seul espoir il se présenta un matin devant l’entrée du tumulus, deux grandes pierres verticales supportant une dalle de granite rose. À peine rentré dans le tunnel le premier esprit se montra gémissant « Doré qui n’est pas d’or » Lawrence saisit un grain de blé et lui tendit. L’esprit s’en saisit, le porta à sa bouche et disparut. Le second arriva aussitôt et gémit « qui en hiver dort », et à nouveau un grain de blé le fit disparaître. Le troisième connut le même sort après avoir récité le dernier ver.

     

    Étonné de ne pas rencontrer plus de difficulté que cela, mais pas inquiet pour autant, il avança jusqu’à une grande salle souterraine. Au centre se trouvait une table de granite elle aussi, recouverte d’or et de pierreries. Entre Lawrence et l’or il n’y avait qu’un jeune homme, pas bien épais et désarmé. Au bruit fait par Lawrence, il se retourna. Et Lawrence se vit. Non tel qu’il était, mais tel qu’était le côté le plus sombre de sa personne. Sur le sol une inscription gravée dans la pierre grise serpentait vers l’autel. « Celuy qui gagnera tout y perdra Celuy qui perdra prou y gagnera » Encore des devinettes se dit-il, narquois, mais lorsque l’autre lui s’approcha, le visage déformé par la soif de l’or et la méchanceté. Lawrence réfléchit très vite. Il voulait gagner, mais s’il gagnait, il perdrait. Il fallait donc perdre. Mais perdre quoi ? L’or ou le combat. Et si perdre l’or faisait gagner le combat se dit-il. Alors il renonça. Et il gagna »

     

    Le mendiant s’essuya la bouche, toisant Thomas, ironique. Puis il but une grande gorgée et se prépara à se lever. Thomas amusé par l’assurance du drôle lui demanda « Et c’est tout ? » L’autre le regarda en riant, se resservit généreusement en vin. « Pas tout à fait. Lawrence ressortit, aussi pauvre qu’il était entré, et parce que même en gagnant il devait perdre, il perdit une partie de lui-même. Cette partie sombre devint son ombre. Une ombre, à jamais détachée de lui. Cherchant toujours à le rejoindre, et pour toujours attirée par l’or. Lawrence, lui, se mit à mendier le jour et à distribuer ses gains le soir, à plus pauvre que lui. Et à chaque pièce qu’il donne son ombre s’affaiblit et perd une partie d’elle purifiée qui rejoint Lawrence jusqu‘à ce qu‘il ait réussi à donner la valeur de ce à quoi il a renoncé, à ce moment son ombre disparaîtra totalement et Lawrence sera entier et libéré voilà ce que l‘on perd ou gagne à chercher à s‘enrichir. » « Que serait-il arrivé, s’il s’était battu contre lui ? » « Il aurait perdu, ou gagné, comme on veut. Il aurait gagné l’or et en serait devenu gardien, rejoignant les trois autres »

     

    Le vieil homme se leva, Thomas amusé lui lança non pas la pièce promise, mais deux pièces. Il y eut comme un mouvement furtif derrière le mendiant lorsque celui-ci se saisit des pièces. Il les fit disparaître dans ses vastes poches. Puis il se pencha sur Thomas. « Puisque vous m’avez donné plus que demandé, je vais vous offrir plus que ce conte » et il souffla en plein visage de Thomas une haleine fraîche semblable à une brise de printemps. Puis il partit dans un envol de haillons. Thomas eut l’impression que … comme un vague soupçon, se souvenant du début du conte : « Non impossible cela ferait plus de 728 ans depuis la naissance de Taliesin » se dit-il. Pourtant il suivit le vieil homme au pas alerte, et il le vit donner ses 2 pièces au premier pauvre hère rencontré, alors qu’une ombre griffait l’ombre des pièces. Lawrence se retourna en lançant un énorme clin d’œil à Thomas. Celui-ci sentit germer en lui la pensée d’un poème. Lawrence avait transformé Thomas le Ripailleur en Thomas le Rimailleur.

     

    Puisse cette histoire tirée de mon imaginaire vous avoir divertis


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